ENTREVOIR

Une histoire de regard. Là où on regarde et là d’où on regarde, en même temps.

Travailler entre la main et le regard, avancer, poursuivre le travail dans une zone opaque pour rendre l’objet. Tâtonnement.

Tenter de donner corps au regard, de capter le mouvement du regard.

Voir le corps et ce qu’il y a derrière le corps. Voir dedans et à travers, creuser le chemin du regard sur la toile.

Dans le creux de l’absence aussi, ne pas voir l’objet mais s’y mettre, déplacer son corps là, y être. Voir ce qu’il y a autour de ce que je ne vois pas.

Détruire, déconstruire plutôt, dans la profanation de l’image, perdre la forme pour la trouver. Dire cet arrachement progressif.

Effroi.

Aller jusqu’au point où je me rends compte que je suis dans l’incapacité de dire.

Des pertes successives, des effacements successifs. C’est dans ce risque pris que la figure peut apparaître, comme par hasard.

DECOUVERTE

Le chroniqueur a, quelquefois, de ses surprises, trop rares, une heureuse découverte. Ainsi, Marie Lebrun, une jeune artiste dont j’ignorais tout. Un peintre et pleinement peintre. Une peinture qui va au-delà de la peinture sans renoncer à sa spécificité, sans anecdote ni littérature. Un sentiment de spontanéité et de violence. Cela semble jeté sur la toile, d’un geste fougueux, quasi convulsif, tout en contraste avec la sérénité étale des fonds unis. De l’invention, des rapports de couleurs qui ne manquent pas d’audace et qui sonnent juste. Cela semble couler de source. Rien toutefois de cette peinture gestuelle, encore à la mode, et toute entière au seul plaisir, narcissique, de se défoncer. Ici, cela va bien plus loin. Derrière l’invention formelle, il y a ces hommes et cette femme «enceinte» ou «qui saute» ou «en creux». une présence forte, un cri féminin et qui nous interpelle rudement. La Vénerie, place Gilson à Watermael-Boitsfort.

Jean Goldmann in Libertés 4, 5, 6 mai 1991

Transmission écrite d’un message radiophonique du 24 avril 1991.

Bonjour et bonsoir, il y a une exposition qu’il ne faut pas rater sous aucun prétexte car vous louperez certainement une case de votre mémoire onirique et ceci n’est pas mortel mais cela serait bien dommage pour vous. Car, quelque part, Marie Lebrun nous retrace en quelques tableaux notre propre imagerie mentale, notre propre situation devant notre vie quotidienne. Marie Lebrun qui est justement l’artiste et qui a quelque chose de commun avec ses peintures en plus du fait que c’est elle qui les a créées de tout geste. Il y a quelque part dans les mimiques ou dans les gestes une projection d’elle-même, mais aussi une projection en tant qu’individu… non le terme est impropre à ma pensée… mais plutôt en tant qu’Etre et sa place dans notre environnement. Et quelque part aussi elle calque une attitude que vous aurez peut-être devant l’art de sa production ou d’un autre congénère. C’est-à-dire, un moment ou l’autre, vous serez pris en flagrant délit d’émerveillement. Marie Lebrun vous propose ses toiles à la galerie de la Vénerie sise au 3 de la place A. Gilson à Watermael-Boitsfort, Bruxelles, c’est juste derrière la mairie et aussi juste au terminus du tramway quatre-vingt quatorze.

I am JS, reporter à Radio France international

Les Éditions Nulpar… asbl, Radio Broadcasted Publications, Service politique de l’Europe Ouest / Littérature francophone / l’Art à Bruxelles